Par Paul Engleman
Adapté d'un article du magazine The Rotarian d'avril 2014
 

 
 
Un journaliste d'origine iranienne répond aux questions du magazine The Rotarian sur son travail sur l'Iran.
Photo : Illustration de Louisa Bertman
 
Ali Reza Eshraghi, journaliste originaire d’Iran âgé de 35 ans, est actuellement chargé de l’Iran à l’Institute for War and Peace Reporting et professeur au département des sciences de la communication de l’Université de Caroline du Nord (UNC) à Chapel Hill. Auparavant, après avoir été rédacteur en chef de plusieurs journaux à Téhéran – tous ayant été censurés ou interdits par le gouvernement iranien – il est devenu professeur invité à l’Université de Berkeley où il a rencontré Pate Thomson et Mary Alice Rathbun, membres du Rotary club de Berkeley. En 2012, il a terminé ses études de boursier de la paix du Rotary à l’Université Duke-UNC.

Vous êtes né juste avant la révolution iranienne de 1979 et le début des hostilités contre l’Irak en 1980. Pouvez-vous nous décrire le quotidien de cette époque ?

Reza Eshraghi :
Le pays était en ébullition et nous vivions des changements dramatiques. Je suis né et ai été élevé à Ispahan, une ville ancienne dotée d’une incroyable architecture, de palais spectaculaires et de boulevards magnifiques. Nous avons subi les raids aériens des Irakiens durant lesquels certains de mes camarades de classe ont été tués.

Alors que vous étiez à Téhéran, en quoi le monde du journalisme a-t-il été bouleversé ?

Reza Eshraghi :
Être journaliste en Iran, c’est un peu comme traverser un champ de mines les yeux bandés. Vous vous sentez constamment en danger. Tous les journalistes souffrent de ce qu’on appelle le syndrome de la sonnette – cette peur au ventre qui vous prend à chaque fois que la sonnette de chez vous retentit et que vous pensez que la police vient vous arrêter. Je n’étais pas en Iran en 2009, après l’élection présidentielle fortement contestée, mais de nombreux journalistes ont été arrêtés et sont encore incarcérés aujourd’hui. Lorsque Hassan Rouhani a été élu président en 2013, les choses se sont un peu améliorées, mais les journalistes iraniens vivent toujours dans l’angoisse.

Quelle est la mission de l’Institute for War and Peace Reporting ?

Reza Eshraghi :
Il s’agit d’une organisation à but non lucratif spécialisée dans le développement des médias. Elle possède des bureaux régionaux dans différentes parties du monde – particulièrement dans les zones de conflit. Cet organisme aide les populations à instaurer un dialogue lorsque des situations conflictuelles se présentent, difficiles, à tenir leur gouvernement responsables de ses actions et à prendre des décisions en meilleure connaissance de cause.

L’amélioration du climat politique en Iran vous rend-elle optimiste ?

Reza Eshraghi :
L’arrivée des modérés au pouvoir est une bonne nouvelle. Il ne faut pas oublier que l’Iran se situe dans une région instable, le théâtre de nombreux conflits tels que la contre-révolution en Egypte, les tensions en Tunisie, l’insécurité en Lybie et au Yémen, la guerre civile en Syrie, l’étouffement du mouvement démocratique au Bahreïn. Le peuple d’Iran, dans un tel contexte, a bien négocié la transition actuelle. Après tout, les élections existent dans ce pays depuis plus d’un siècle.

Quelles sont les obstacles empêchant des relations normalisées entre l’Iran et l’occident ?

Reza Eshraghi :
L’Iran et les États-Unis se connaissent mal et de nombreux malentendus ont engendré des mauvaises décisions politiques. La première étape pour résoudre un conflit est de faire en sorte que chaque camp arrête de forcer l’autre à répondre à des demandes formulées de façon unilatérale. La partie adverse doit recevoir une proposition qu’elle pourra accepter sans avoir le sentiment de capituler.

Comment mieux comprendre l’Iran ?

Reza Eshraghi :
L’Iran, comme tout autre pays, est une nation complexe. Les médias américains ont tendance à utiliser l’approche trop simpliste du Bien et du Mal, une vision qui ne correspond pas à la réalité. La société et le gouvernement sont interdépendants. Quelques fois, ils coopèrent, et d’autres fois, le gouvernement est obligé de se plier aux exigences de la société.