DEONTOLOGIE ET ETHIQUE DU ROTARY

 
La naissance du Rotary coïncide avec celle de l'ère moderne, celle du machinisme.
Aux Etats-Unis, Frederik Taylor, ingénieur, prône l'organisation scientifique du travail. Il considère l'homme comme adjoint des machines. Les mouvements de l'ouvrier, sa fatigue, son temps de récupération, son comportement ne sont alors perçus que comme des paramètres de production parmi d'autres.

Grâce à cette théorie, qui consacre la suprématie de la machine sur l'homme, la rationalisation des gestes, la parcellisation des tâches permettent de construire des gratte-ciel, de bâtir des empires. Mais dans cette conception mécaniste le facteur humain est complètement ignoré.

Parallèlement, les Rotariens élaborent le premier code de déontologie applicable dans leurs clubs et dans leur vie professionnelle pour moraliser la vie des affaires, tandis que se dessine un courant humaniste en réaction contre la condition ouvrière.
 
A partir de 1917 la revue The Rotarian publie de nombreux articles sur le sujet, notamment "Le conflit employeur-employé", "La condition de l'ouvrier" et "Responsabilité de l'employeur vis-à-vis des employés".
A la même époque, une étude de l'Université de Chicago révèle que 145 codes de déontologie adoptés en 1922 dans les entreprises de la ville l'ont été sous l'influence directe des Rotariens, qui, pionniers en la matière, ont donc joué un rôle considérable dans l'évolution des idées.
 
1926

Encore à Chicago. La production de la Western Electric, fabrique de relais téléphoniques et matériels électriques divers, baisse sans que les responsables n'en décèlent les causes.

Ils font appel à des organisateurs et à un psychologue, Elton Mayo

On remédie au manque d'éclairage, on commence à se soucier de l'ergonomie des postes de travail. La production augmente. Puis retombe rapidement. On discute alors avec les ouvrières, tout en supprimant progressivement les améliorations apportées. En instaurant le dialogue permanent la production monte à nouveau et reste à son niveau plus élevé. Les conditions matérielles de travail n'étaient donc pas à l'origine de la baisse du rendement.

Elton Mayo met ainsi en avant la nécessité de reconnaître l'autre, de le considérer, de créer et de maintenir de bonnes relations humaines dans l'entreprise. Ses conclusions, qui font encore école de nos jours, sont publiées en 1932.
 
1932
 
Trois ans après le jeudi noir de Wall Street. De nombreuses entreprises font faillite. Toujours à Chicago. La Continental National Bank demande à Herbert Taylor, cadre supérieur dans une entreprise locale, de reprendre une société au bord du gouffre, la Club Aluminium Company.

C'est une ultime tentative, dans cette usine sans argent et au personnel déprimé. Rotarien, Herbert Taylor est imprégné de l'éthique du Rotary. Il deviendra d'ailleurs Président du Rotary International en 1954-1955. Chef d'entreprise, il connaît les apports du courant humaniste précurseur à long terme du management participatif qui associe les salariés à la bonne marche de l'entreprise, voire à la préparation des décisions. Il instaure un code simple de relations humaines, s'assure qu'il ne heurte aucune conviction religieuse dans son entreprise et demande à tous ses cadres de l'appliquer eux aussi dans leurs relations avec leurs employés, les fournisseurs, les clients, les actionnaires : L'entreprise se redresse et devient même très prospère. Ce qui, au premier degré, tend à prouver que la reconnaissance de l'autre l'incite à donner le meilleur de lui-même dans une réciprocité bien comprise.
 
 
1943
 
Le Critère des Quatre Questions est adopté par le Conseil Central du Rotary. Il résume en une formule simple et concise toute l'éthique, universelle puisqu'elle s'applique à tous les rapports humains, du Rotary. Depuis un siècle désormais, et avant même qu'elle ne devienne officielle en 1950, les Rotariens déclinent leur devise Servir d'abord, de mille et mille façons et pourtant avec une volonté commune, qui traduit, consacre et pérennise leur identité. Grâce au Critère des quatre questions les Rotariens sont en effet tous ensemble porteurs d'une clé unique, ô combien efficace, et même d'un trésor pour mettre en œuvre leur éthique et donc cultiver leur idéal.
 
 

1 - Est-ce conforme à la vérité ?

La réponse à cette question est sans doute la plus délicate à apporter. S'agit-il de la vérité objective, de celle qui s'impose à tous ? Si le ciel est bleu, il l'est indépendamment de la perception de chacun. S'agit-il au contraire de la vérité subjective, propre à chacun, éventuellement influencée par ses a priori, sa soumission à l'opinion générale ou aux modes de pensée ? Il suffit alors de prendre du recul pour apprécier la réalité. Il suffit également de prendre pleinement conscience de l'autre, de toutes les parties prenantes pour parvenir, en son âme et conscience, à la résolution des conflits d'intérêts, à l'harmonisation des points de vue. Par ce principe, le Critère des quatre questions invite à la sincérité, à l'intégrité, à la cohérence entre les pensées, les paroles et les actes c'est-à-dire à se conduire en honnête homme.

2 - Est-ce loyal de part et d'autre ?

Le Rotarien veille à respecter ses engagements et à ne pas faire à autrui ce qu'il n'aimerait pas que l'on lui fasse à lui-même. Il veille aussi à ce que chacun soit libre de penser et d'agir comme il lui convient, en fonction de ses propres convictions ou règles de vie.

3 -  Est-ce susceptible de stimuler la bonne volonté réciproque et de créer des relations amicales ?

Le Rotarien s'applique à rechercher le consensus, à rassembler des qualités et des compétences afin de former des équipes dont la valeur est supérieure à l'addition de leurs composantes. Il agit de sorte que son comportement alimente le cercle vertueux du Rotary qui, par les actions conduites ensemble tisse, entretient et consolide l'amitié qui unit tous ses membres.

4 -  Est-ce bénéfique à tous les intéressés ?

Cette question invite à créer et à entretenir la confiance, donc à exclure toute tentative de manipulation ou de favoritisme, à s'inscrire avec l'autre dans une relation gagnant-gagnant.C'est là une exigence de droiture et de justice indispensable à la motivation et à l'estime réciproque.

A aucun moment Herbert Taylor ne dicte au Rotarien ce qu'il doit faire si la réponse à une ou plusieurs des questions est négative. Il l'invite à partager le questionnement. Uniquement. Les réponses, quant à elles, leur interprétation et l'évaluation de leurs conséquences, restent individuelles et personnelles. Cette particularité fait du Critère des quatre questions tout le contraire d'un dogme. C'est l'expression d'une éthique respectueuse de la liberté de pensée de chacun, de sa responsabilité d'homme libre.

 
Soursces : Claude Desbordes