Par Megan Ferringer
Adapté d'un article paru dans le numéro de février 2014 de The Rotarian
25 février 2014

 
 
A Safe Haven, une organisation fondée par Neli Vazquez-Rowland, membre du Rotary club de Chicago (à gauche), et son mari,
emploie plus de 70 de ses résidents dans ses services d'entretien des espaces verts à Chicago.
Photo : ©Jean-Marc Giboux
 
 
 
Pendant des années, Angalia Bianca a dormi dans des squats à Chicago. Elle a aussi volé, s'est droguée et fait des allers-retours en prison pour différent délits. Après son septième séjour derrière les barreaux, elle réalise qu'elle aspire à une vie meilleure sans toutefois savoir vraiment comment y parvenir.
Elle trouve refuge dans un foyer tenu par A Safe Haven, une organisation qui s'attaque aux causes de l'itinérance chronique et qui réapprend à ses résidents à vivre sans drogue ni alcool. Un programme strict est imposé : assister à toutes les réunions, dépistage de drogues et bénévolat pour l'organisation. Là, elle y apprend les rudiments d'une vie normale, comme par exemple se lever le matin ou nettoyer la cuisine. Neli Vazquez-Rowland, membre du Rotary club de Chicago et son mari, Brian Rowland ont fondé l'organisation il y a 20 ans et plus de 50 000 personnes ont déjà suivi un programme comprenant traitements, éducation, soins, formation professionnelle et placement en entreprise.

UNE EXPÉRIENCE PERSONNELLE

Bien que Mme Vazquez-Rowland et son mari n'aient aucune expérience dans le social, ils ont voulu à tout prix lancer A Safe Haven. Après avoir réussi financièrement dans les années 90, leur vie prend un tournant difficile quand Brian devient alcoolique. Aisés, ils ont facilement accès aux services de désintoxication mais se rendent vite compte que seule leur fortune leur permet de ne pas terminer dans la rue ou en prison, comme la plupart des toxicomanes. « Nous avons pris conscience de la chance que nous avions de pouvoir nous payer les meilleurs traitements, confie Mme Vazquez-Rowland. J'ai aussi compris les disparités existantes. Avoir de l'argent vous donne accès aux traitements, à un avocat et vous permet de remonter la pente sans perdre votre emploi. Sans ressources, vous êtes arrêté et mis en prison. » Alors que Brian Rowland sort de sa dépendance à l'alcool, le couple constate le manque de services pour les personnes en phase de guérison, en particulier pour les plus défavorisées. Les organismes gouvernementaux ne répondant pas à ces besoins, ils achètent et rénovent en 1994 un immeuble abandonné dans un quartier de Chicago avec l'intention de le louer pendant un an aux personnes en voie de désintoxication, puis de le revendre pour dégager un profit. Mais la demande pour ce genre de service augmentant de plus en plus, ils réalisent qu'ils peuvent aider les gens à se reconstruire leur vie.

PROPOSER DES SOLUTIONS

Le couple crée donc la Fondation A Safe Haven et élabore un programme complet de désintoxication. Mme Vazquez-Rowland finance personnellement les soins de milliers de malades grâce à ses investissements financiers. Mais après cinq ans, ils se rendent compte que le modèle n'est pas viable. En 1999, ils décrochent leur premier contrat avec les Services pénitenciers de l'Illinois pour l'hébergement de transition d'anciens délinquants non-violents. À la même époque, Mme Vazquez- Rowland décide de quitter son emploi rémunérateur. « Ce fut un peu un révélation, explique-t-elle. Nous nous sommes dits : Que faisons-nous ? Travaillons-nous dans la finance ou aidons-nous les autres ? » Vingt ans plus tard, A Safe Haven gère 28 centres d'hébergement dans d'anciens immeubles désaffectés achetés par les Vazquez-Rowland dans des quartiers de Chicago souvent délaissés par les promoteurs.

DE LA RUE À L'INDÉPENDANCE

Mme Vazquez-Rowland apprend qu'il n'y a pas de recette miracle pour aider les sans-abris du fait de la grande variété des problèmes rencontrés par ces personnes : incapacité à obtenir un prêt, difficulté à retrouver un travail à la sortie de prison ou perte d'emploi qui pousse des familles à la rue. En réponse, A Safe Haven établit des entreprises sociales dans les domaines de la restauration, de l'aménagement paysager et de l'extermination des nuisibles et y emploie ses résidents. « C'est un énorme succès car les niveaux d'intégration des bénéficiaires sont très différents, explique Mme Vazquez-Rowland. On voit dans leurs yeux qu'ils ont retrouvé l'amour-propre et l'enthousiasme nécessaires pour se prendre en charge. » Mme Vazquez-Rowland passe aussi quelques jours par mois à Washington pour rencontrer des responsables gouvernementaux, des universitaires et des chefs d'entreprises et promouvoir son modèle à l'échelle nationale. « Nous voulons tous la même chose mais nous nous ne sommes pas toujours d'accord sur la façon d'y parvenir », dit-elle. Au siège de A Safe Haven qui se situe dans un des quartiers les plus pauvres de Chicago, Neli Vazquez-Rowland connait tout le monde par son prénom. Un adolescent raconte comment l'organisation l'a aidé à retrouver son père. Une femme âgée qui a terminé le programme dit au revoir aux amis rencontrés ici. À la cafeteria, un jeune homme s'approche de Neli pour la remercier de lui avoir sauvé la vie. « C'est le travail le plus gratifiant au monde, dit-elle. Nous changeons des vies. »