UN BOURSIER AU PARCOURS ROTARIEN HORS DU COMMUN.
 
 
Propos de Daniel Mai recueillis par Katya Cengel
The Rotarian.

 
Mon père a décidé d’immigrer du Vietnam aux États-Unis alors que j’étais enfant car il souhaitait un avenir plus prometteur pour sa famille que celui offert sous un régime communiste. Nous nous sommes retrouvés dans un ghetto à Oakland en Californie. J’étais scolarisé au lycée Freemont, une des pires écoles du quartier malheureusement connue pour sa violence, sa pauvreté et son taux élevé de décrochage scolaire. Chaque nuit, nous pouvions entendre des coups de feu.
 
 
Au cours du printemps de mon avant dernière année au lycée, un groupe de Rotariens est venu nous parler de l’Enterprise Institute du Rotary club d’Oakland, un camp de trois jours permettant aux jeunes participants d’améliorer et de tester leurs connaissances professionnelles. L’idée de passer du temps à la campagne à élaborer des business plans avec mes camarades était séduisante, mais l’idée de m’échapper pour quelques jours de mon quartier l’était bien plus encore. Dans mon monde, les seuls commerces que je connaissais étaient les magasins de pompes funèbres, les vendeurs d'alcool et les dealers de drogue.

L’Enterprise Institute m’a ouvert les yeux sur une nouvelle réalité. J’ai rencontré des adolescents qui parlaient de Platon et de Shakespeare au lieu de rafales de Kalachnikov. C’est également là que j’ai entendu pour la première fois le mot « entrepreneur». Entouré de lycéens d’établissements scolaires bien meilleurs que le mien, j’ai réalisé l’étendue de mes lacunes. Alors que nous nous penchions sur des études de cas et que nous élaborions des business plans, j’ai pu également contempler un avenir sans armes d’assaut ni cellules de prisons. Les autres participants parlaient d’aller à l’université, de monter leur propre société et j’ai pris conscience que je voulais faire la même chose. Elevé pour ainsi dire à l’école de la rue, je savais que j’avais du retard à rattraper et que je devrai travailler plus pour atteindre les mêmes objectifs qu’eux. Grâce aux Enterprise Institutes, je suis devenu ambitieux et motivé.

  Du rêve à la réalité

Ma famille n’ayant pas beaucoup d’argent, j’ai donc rempli le plus de dossiers de bourses universitaires possibles, soit 20 au total, et 19 ont été refusés car je n’étais pas américain. Un seul dossier a été accepté, celui envoyé au Rotary club d'Oakland. Leurs membres ont souhaité me rencontrer avec ma famille et je leur ai expliqué mon parcours et mes objectifs. Ils avaient beaucoup de candidats mais quand j'ai été choisi pour recevoir la bourse de 5 000 dollars, j'avais enfin la preuve que quelqu’un souhaitait investir dans mon avenir. J'ai ainsi réalisé mon rêve de rentrer à l’université.

Un fois à l’université de Californie à Davis, la bourse m’a aidé à payer mes livres et mon loyer, m’a permis de ne pas avoir à travailler les trois premières années et de me concentrer uniquement sur mes études. Terry Turner, mon conseiller du club d’Oakland, prenait régulièrement de mes nouvelles et je lui disais que c’était dur. Le lycée Freemont était de loin l’antichambre idéale pour préparer des lycéens au monde de l’université et Terry m’a prodigué nombre de conseils que j’ai suivis. Trois autres diplômés de mon lycée n’ont pas tenu six mois. L’Enterprise Institute m’avait donné une longueur d’avance et la bourse du Rotary m’a permis de continuer sur cet élan.

Une fois mon diplôme universitaire en poche, j'ai travaillé pour de petites sociétés avant de monter la mienne en 2004. Je suis aussi devenu membre du club d’Oakland et les membres du club sont devenus mes premiers clients. Ma société compte aujourd’hui trois employés. Je me suis également marié et j’ai aujourd’hui deux filles.

L’année dernière, j’ai décidé d’emmener ma femme et ma fille ainée en vacances au Vietnam. Le petit village de pécheurs que j’avais quitté il y a trente ans est devenu une métropole dynamique. Le quartier où j’ai été élevé à Oakland n’est également plus le même. Des appartements ont été construits sur le terrain de basket sur lequel je jouais. Cependant, une chose n’a pas changé par contre à Oakland. Les Enterprise Institutes du Rotary club d’Oakland sont toujours organisés selon la même formule. J’ai été impliqué dans ce programme ces sept dernières années et j'en suis aujourd’hui le président adjoint du comité d’organisation. Je sais que ce programme a le pouvoir d’aider des jeunes dans ma situation. C’est désormais à mon tour d’aider les autres.