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PAUL HARRIS, UN VISIONNAIRE QUI
QUESTIONNE LE MONDE.
 
 
Par Jean-Claude Degras.
RC de Pointe-à-Pitre
Le Rotarien - Août 2013
 
 
Le Rotary fut créé le 23 février 1905 à Chicago, par Paul Harris. C’est dans cette ville miroir grossissant d’un capitalisme industriel triomphant, qu’est né dans un petit bureau, comme dans une boîte magique, ce rêve de modernité et d’émancipation partagé à travers la planète. Au regard de ce siècle d’histoire et de passions, on ne peut que s’intéresser aux raisons d’une telle aventure pour le moins étrange.

Etrange est bien le mot, car si l’Amérique n’a cessé de faire rêver par son gigantisme et son extraordinaire faculté à produire des talents, l’émergence de l’idée rotarienne est un défi au regard de la violence politique et sociale qu’a toujours connu ce pays, avec la colonisation anglaise, la guerre d’Indépendance, la guerre de Sécession.

Etrange, également, le caractère intrépide de cette idée qui déborde largement les barrières habituelles de la pensée ainsi que les frontières naturelles de la géographie politique d’une Amérique alors assise sur son “splendide isolement.” Etrange, le parcours de cet homme né en 1868 à Racine, dans l’Etat de Wisconsin, exploré pour la première fois en 1634 par le Français Jean Nicolet, mais majoritairement peuplé par des Allemands, Scandinaves et Suisses. Un Etat, traditionnellement opposé à toute discrimination, devenu historiquement le bastion du parti d’Abraham Lincoln et qui bien avant la guerre de sécession, s’était opposée à l’esclavage. Ainsi, en 1854, un esclave devenu libre, Joshua Glover, installé à Racine fut arbitrairement emprisonné à Milwaukee. 100 hommes de Racine et environ 5000 personnes du Wisconsin se rassemblèrent 1et détruisirent manu militari la prison pour l’aider à gagner le Canada.

Etrange, la croisade courageuse de ce brillant avocat, appartenant à l’élite dirigeante de Chicago, sur fond de paupérisation urbaine, de haine raciale et de corruption politique, qui construit son avenir et son ascension sociale sur le modèle typiquement américain du selfmademan, pour finir par atteindre un degré de conscience et de reconnaissance universelle.

Les quatre éléments qui ont forgé l’esprit du fondateur du Rotary
Son enfance.
Jeune, ses parents ne pouvant subvenir à son éducation, le confient à ses grands-parents pour l’élever. En ce lieu s’inscrit déjà une partie de la réponse, celle des premiers effets de la pauvreté, des accents et des rêves partiels de tendresse familiale.

Le développement industriel des grandes villes du Nord
C’est à Chicago, symbole d’une Amérique industrielle et moderne, que Paul Harris prend conscience des tensions sociales et de la misère, nées des grandes migrations. Une ville qui rivalise avec New-York sur le plan économique, de l’innovation culturelle, urbanistique et universitaire, au point d’ouvrir dès 1892 les portes de son université créée grâce à un don de Rockelfeller aux filles et aux Noirs. Chicago, haut lieu du jazz venu de la Nouvelle-Orléans, des rivalités raciales. Chicago, sanctuaire de la guerre fratricide des gangs, de laprohibition et de la corruption qui ont pour nom John Dillinger, Al Capone ou Eliott Ness.

L’Amérique à la recherche d’elle-même
La littérature, conjuguant les aspects sociologiques et psychologiques d’une Amérique à la recherche d’elle-même, dépeint et dénonce avec virulence l’envers du décor américain. De Mark Twain à Tennessee Williams en passant par Scott Fitzgerald, Hemingway, Dos Passos : tous mettent en lumière sur une trame romanesque comme La case de l’OncleTom cette société du paradoxe, témoignage impitoyable du vécu des exclus et des “minorités”. Le premier d’entre eux, Mark Twain, dénonçait déjà lors de ses voyages sur le Mississipi à travers les aventures de Tom Sawyer (1876) les excès de la civilisation et l’immoralité érigée en morale. Le Prince et le pauvre (1882), La vie sur le Mississipi (1883) L’homme qui corrompit Hadleyburg (1899).

Une société à la recherche d’un idéal
Le développement des techniques industrielles et l’arrivée de nouvelles vagues d’immigrants amplifient le décalage entre la réalité sociale et l’imaginaire d’une Amérique puritaine qui cultive le paradoxe d’être aussi une terre de rêve et d’avenir pour des millions d’hommes à la recherche du bonheur. L’imaginaire d’une frontière sans cesse reculée qui donne à ce continent la vision permanente d’un renouveau et d’un recommencement éternel. C’est à travers ce double sens de la vie, derrière ce couplage entre l’Amérique profonde de son enfance, les violences sociales urbaines et ce melting-pot, qu’il faut trouver l’inspiration de Paul Harris pour un monde meilleur, persuadé qu’il est toujours temps de se demander où va l’humanité ?
  • quel est le sens de l’histoire ?
  • dans quelle mesure cette évolution sera-t-elle propice à autrui ?
  • quelle sera la place de l’homme dans le monde du 3ème millénaire ?
  • entre le bien et le mal, entre enchantements et désillusions.
Servir ! est son crédo
Servir… les minorités exclues, pour s’affranchir des contraintes économiques et de la discrimination .
Servir… de passerelle, entre les paroles et les actes, entre les buts et les résultats de l’action politique qu’il juge probablement insuffisante à la mission d’une réelle démocratie. Pragmatique, sa mission ne s’est pas appuyée sur des idéologies justificatrices que sont le parti, l’ordre, la grande Amérique ou le progrès technique. Il a construit son modèle, d’une part sur une échelle de valeurs qui se décline sur les notions de “vouloir”, “devoir” “pouvoir” liées d’autre part à l’éthique et à la probité dans le travail, qu’il considère comme une source inépuisable d’enrichissement individuel et fraternel. Cette mutation culturelle ayant pour effet de trouver les ressources basées sur la capacité de ses membres à lever des fonds dans la perspective de durer en toute autonomie, afin de donner du sens à leur mission contre une certaine logique de l’histoire. Il a construit sa philosophie comme un modèle, ou plutôt considéré le monde comme une entreprise, non pour restaurer quelque mythe ancien régi par des lois immuables, mais plutôt comme un système doté d’une philosophie, d’une stratégie, de moyens, d’objectifs, de programmes, un directoire, capable avec l’armée des volontés humaines disséminées à travers le monde, de gagner le combat quotidien de la paix et de la santé.

Paul Harris, une utopie ?
Au regard de l’histoire, on serait tenté de penser qu’il est imprégné par une idéologie égalitariste et universaliste. Mais, son message apparaît comme une revendication d’existence, tant il a senti qu’il existait d’autres lieux, d’autres vies en mal de vivre. Il a réussi aussi cet étrange pari de faire coïncider les errances du passé et l’histoire d’un monde en devenir, en ouvrant les portes d’un “Nouveau Monde”, peut-être imaginaire, mais qui marque un progrès dans l’histoire des idées de l’humanité, signifiant ainsi que le monde accomplit des cycles d’existence à travers le temps. Le Rotary a, aujourd’hui, une place capitale dans un monde où la transversalité interrégionale s’inscrit comme une donnée obligée des territoires, des compétences, des réseaux et du jeu des acteurs.

Un visionnaire au service de la collectivité
C’est un visionnaire qui questionne le monde.
Conscient que l’objectif général d’une politique mondiale est la survie de l’humanité, il a considéré que le rationnel et l’opérationnel devaient être impérativement convergents dans le choix et l’optimisation des moyens les plus propres à la réalisation des objectifs. Même si l’histoire n’est pas la somme d’histoires particulières, elle est l’appréhension d’une logique expressive du développement. Après plus d’un siècle, cette revendication d’existence, qui est une alternative pour l’humaine condition, garde plus que jamais sa modernité. Chaque Rotarien doit servir avec humilité et conviction, vers une philosophie, une morale et une conception du monde communes, pour pallier les faiblesses de notre civilisation industrielle et humaine.

Choisir c’est sans cesse rejeter celui que tu es pour celui que tu pourrais être. C’est l’esprit d’aventure.
Le Rotarien - août 2013