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Les Actualités du District


DES PASSERELLES VERS L'AVENIR
16 août 2008
 
Une passerelle de fortune connecte les deux côtés du pont Sebara Dildiy qui enjambe le Nil Bleu en Éthiopie. Un pont permanent financé par les Rotary clubs de Gloucester, Gloucester Point et Falls Church en Virginie (États-Unis), et de Bahir Dar (Éthiopie) sera construit environ 150 mètres en aval. Photo : Rudy Heinatz
Construction d'une rambarde d'un pont provisoire sur le Nil Bleu en Éthiopie. Photo : Rudy Heinatz
Outils de menuiserie utilisés pour la construction d'un pont sur le Nil Bleu en Éthiopie. Photo : Rudy Heinatz
Installation de poutrelles pour la construction d'un pont provisoire sur le Nil Bleu en Éthiopie. Photo : Rudy Heinatz
Une femme éthiopienne traverse avec son enfant une passerelle à la construction de laquelle elle a participé. Photo : Zoe Keone Pacciani
Avant que les Rotariens et villageois ne construisent un nouveau pont, les habitants devaient traverser à l'aide d'une corde le Sebara Dildiy qui enjambe le Nil Bleu en Éthiopie. Photo : Rudy Heinatz
Pendant la construction du pont, la traversée du Nil Bleu (Éthiopie) se fait dans un chariot suspendu. Photo : Ken Frantz
Épuisé par 25 kilomètres de marche à pieds nus, un jeune fermier éthiopien descend des pentes abruptes et rocailleuses pour atteindre les rives du Nil Bleu.

Quand il arrive finalement au pont niché dans une gorge, l'épuisement lui arrache un soupir. Il dépose son lourd panier rempli de bananes qu'il compte vendre au marché et attend. Devant lui... le Sebara Dildiy. La beauté originelle de ce pont surplombant les forts courants du fleuve et construit il y a 400 ans avec du sable, de la pierre, de la chaux et du blanc d'ouf est à peine perceptible. En amharique, la langue officielle de l'Éthiopie, sebara dildiy signifie « pont coupé », un surnom remontant à 1935 lorsque des douzaines de résistants éthiopiens, armés de leurs outils agricoles, essayèrent de saboter le pont afin de ralentir les progrès de l'armée italienne. Une travée tout entière s'effondra emportant et tuant les résistants.

En octobre 2007, dans cette région isolée du nord de l'Éthiopie à la frontière du Soudan, ce pont bien qu'endommagé reste le moyen d'accès le plus rapide au marché et aux soins de santé. Le point de passage le plus proche sur le Nil Bleu allonge de près de 150 km un périple déjà suffisamment pénible.

La vie dans cette région où les familles survivent souvent avec moins d'un dollar par jour est rythmée par les jours de marché. Une bonne journée rapporte assez d'argent pour envoyer un enfant à l'école. Toutefois, la majorité d'entre eux passent leurs journées à garder les troupeaux et à empêcher les singes de s'attaquer aux modestes jardins maraîchers. Les gens vivent dans des huttes en terre battue à même le sol. Les enfants sont vêtus de guenilles et assaillis par les mouches.
Le pont endommagé ne peut supporter qu'une personne à la fois et les files d'attente ne sont pas rares. De chaque côté du tronçon manquant, quatre hommes tendent une corde jaune au dessus du trou béant. Au bout de 20 minutes, le marchand de bananes enroule la corde autour de son torse. Il se lance prudemment dans le vide et reste suspendu pendant plusieurs minutes à une quinzaine de mètres de hauteur au-dessus des rapides tiré par les hommes centimètre par centimètre. Une cinquantaine de personnes traversent ce pont tous les jours. Lâcher la corde est synonyme d'une mort assurée comme un malheureux l'a encore appris récemment à ses dépens.

Le marchand collecte ses marchandises qui l'ont suivi et entame les 40 km qu'il lui reste à parcourir pour arriver au marché.

Une photo déterminante

En 2001, Ken Frantz, du Rotary club de Newport News (États-Unis), feuillette un numéro du National Geographic lorsqu'une photo d'un homme essayant de traverser le Sebara Dildiy au risque de sa vie l'arrête. « Le magazine s'est littéralement ouvert à cette page, dit-il. J'ai su immédiatement qu'il s'agissait d'un appel à passer à l'acte et à aller réparer ce pont. »

« En tant que Rotariens, nous pouvons construire des aires de jeux ou améliorer l'existence de ceux confrontés à une pauvreté extrême, poursuit Ken Frantz. Être un Rotarien m'a permis de comprendre que je pouvais faire plus. J'ai ainsi décidé de m'associer aux Rotariens impliqués dans la lutte mondiale contre la pauvreté extrême. »
Ken Frantz fonde alors Bridges to Prosperity , une association à but non lucratif, et se rend immédiatement en Éthiopie. En 2002, avec ses fonds personnels et l'aide de plusieurs clubs de Virginie, il parvient à combler le trou béant de 70m sur le Sebara Dildiy en installant une passerelle avec une armature en acier léger. Environ 350 mules sont utilisées pour transporter plus de 11 tonnes d'acier, de ciment et d'équipement.

Le pont devient rapidement un moteur économique comme l'escomptait Ken Frantz. Ceux qui avaient auparavant peur de le traverser commencent à se rendre fréquemment au marché. Des jeunes femmes peuvent se constituer un pécule et certaines retournent ainsi à l'école. Les hommes vont chercher du travail dans des villes plus importantes afin d'augmenter leurs faibles revenus agricoles. Enfin, des familles peuvent visiter des proches qu'ils avaient perdus de vue depuis des années.

Suite à cette expérience, Ken Frantz va collecter des fonds auprès de 31 Rotary clubs, y compris le sien, et recevoir des subventions de contrepartie de la Fondation Rotary pour construire 40 ponts supplémentaires dans 11 pays avant la fin 2007. Cette année, il dirige et finance un programme de construction de passerelles en Bolivie, au Salvador, au Pérou et en Zambie. À l'instar de l'Éthiopie, ces ponts ne font pas qu'améliorer le quotidien des habitants mais permettent de leur sauver la vie. Au Pérou, des Rotariens ont remplacé une structure chancelante qui avait causé la mort de trois enfants l'année passée. Son objectif est aujourd'hui de construire 500 ponts par an d'ici 2020.
Malheureusement, en 2005, le pont qui avait inspiré Ken Frantz et sa mission se retrouve au cour d'inondations dévastatrices. Les villageois indiquent que les eaux montantes ont emporté la structure en acier. À l'annonce de cette nouvelle, Ken Frantz se met immédiatement au travail et promet d'aider les villageois éthiopiens. Il n'y a pas d'autre alternative que de construire un pont entièrement neuf à un endroit plus élevé. L'association qu'il a fondée devient désormais sa vocation.
Une passerelle vers une vie nouvelle

Cette photo de ce pont coupé a suscité chez M. Frantz un changement de vie radical. Son parcours l'avait en effet mené tout d'abord en Alaska où il avait travaillé, à sa sortie d'université, sur des pipelines, puis en Californie où il avait monté une entreprise de construction florissante avec la réalisation de 400 appartements par an. Les succès rencontrés ne lui suffisant pas, il décide de ralentir et de consacrer davantage de temps à sa femme et à leurs trois enfants en s'installant dans la campagne virginienne où son épouse a passé son enfance. Il devient promoteur immobilier et réalise son rêve en s'achetant une petite île où il construit d'ailleurs une passerelle d'accès. C'est à cette époque qu'il commence sérieusement à remettre en cause le sens de sa vie.

Son association à but non lucratif vise à combattre la pauvreté extrême en construisant des ponts. Les bénévoles qui incluent des Rotariens, les habitants des régions où les ponts sont construits, des ingénieurs et des élèves d'écoles d'ingénieurs américaines contribuent à leur construction mais enseignent aussi aux populations locales comment les construire et assurer leur entretien.

À l'âge de 58 ans, la réussite professionnelle de M. Frantz lui permet de diriger bénévolement et à plein temps  Bridges to Prosperity . Son association emploie quelques salariés dans des pays où des ponts sont construits et a pour partenaires des Rotary clubs, des sociétés d'ingénierie, des entreprises, des églises, des donateurs privés et d'autres organisations à but non lucratif telles que le groupe suisse Helvetas qui fournissent main d'ouvre, financement et expertise technique.

 
À la nouvelle que le pont coupé en Éthiopie doit être reconstruit, Ken Frantz se tourne immédiatement vers le Rotary. Trois clubs en Virginie et un en Éthiopie effectuent des dons auxquels la Fondation Rotary apporte une contrepartie. Le Fondation avait déjà octroyé six subventions de contrepartie pour la construction de 23 ponts. Le montant des sept subventions et des dons de club atteint 281 000 dollars.
 

Les Rotariens de Virginie ont déjà participé à d'autres actions de construction de pont mais pour ceux du club de Bahir Dar en Éthiopie, qui ont versé 100 dollars, il s'agit de leur premier partenariat avec  Bridges to Prosperity ainsi que de leur plus importante action d'intérêt public. « La plupart de nos membres ont entendu parler du pont, explique Abebe Yimenu Tessema, président 2007/2008 du club. Ils connaissent les difficultés auxquelles la population doit faire face. » Le club de Bahir Dar situé dans la capitale de l'État d'Amhara est le plus proche du site du pont. Il faut quand même trois jours de voiture et deux jours de marche pour atteindre ce site.

En raison de la petite taille du club, les membres recherchent des actions à fort impact et les choix peuvent s'avérer difficiles. Alors que l'Éthiopie doit faire face à une crise du sida, au manque d'éducation dans les campagnes et au manque d'accès à l'eau potable, les Rotariens de Bahir Dar n'ont que l'embarras du choix. Mais pourtant, raconte M. Abebe, le club vote à l'unanimité pour construire le pont.
Tenir une promesse

Ce jour d'octobre 2007, Ken Frantz envoie Mebratu Abebaw, un des premiers ingénieurs éthiopiens formés par le programme, au Sebara Dildiy.
Peu après que le marchand de bananes ait gravi les pentes le menant au marché, le jeune ingénieur commence à organiser les fermiers pour ramasser des morceaux de bois et des pierres. Pendant deux jours, M. Mebratu qui a apporté des clous et du câble lourd montre aux villageois comment construire une structure temporaire. Tous les bras disponibles sont recrutés ; les fermiers ont quitté leurs champs et les miliciens déposé leurs AK-47. Lorsque la construction du nouveau pont, situé en amont de la rivière, commencera, les ouvriers auront besoin de traverser la rivière en toute sécurité.
Le résultat est assez primitif avec des rampes faites de branches d'arbre et un plancher fabriqué à l'aide de branches d'eucalyptus et de cailloux. Mais cela tient. Peu après, deux hommes arrivent transportant une femme sur un brancard de fortune. Ils ont parcouru des dizaines de kilomètres tenaillés par la crainte d'avoir à négocier ce passage difficile. À leur grande surprise, le pont est réparé.
M. Abebaw informe les villageois que Ken Frantz reviendra bientôt. Entretemps, ils peuvent commencer à déblayer le site du nouveau pont, à ramasser des pierres et à creuser à l'endroit qui accueillera les fondations de l'ouvrage. L'ingénieur leur affirme que bientôt ils auront un pont qui pourra résister aux pires inondations. Les travaux de construction du nouveau pont doivent débuter en début d'année prochaine.
Stephanie Heinatz 
The Rotarian -- Août 2008