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CATHERINE NOYER-RIVEAU

2 novembre 2007

Un entretien avec la première administratrice du Rotary

 

Lorsque Catherine Noyer-Riveau siègera au conseil d'administration du Rotary International en juillet, elle se distinguera de ses collègues bien plus que par sa touche parisienne. Elle sera vraiment une prima inter pares , la première administratrice du Rotary à ce jour.

 
Elle représentera la zone francophone 11 de 2008 à 2010.
 

Issue d'une famille rotarienne (3ème génération), elle est médecin de profession et recherche sans cesse le consensus et la coopération. Elle concède qu'avec ce nouveau poste lui incombe la responsabilité de défendre l'égalité des sexes mais elle ne recherche pas la publicité et ne se considère pas comme une féministe. Dans cet entretien avec Bettina Kozlowski, Mme Noyer-Riveau affirme simplement être une Rotarienne. En tant que telle, elle compte utiliser la même stratégie qui lui a réussi jusqu'à présent : se fixer la barre haut et la dépasser.

Que ressentez-vous à l'idée d'être la première femme élue au conseil d'administration du Rotary ?

Bien sûr, je ne peux pas dire que je ne suis pas contente et fière d'avoir été élue mais j'espère quand même je n'ai pas été élue parce que je suis une femme, mais parce que j'ai certaines compétences. Je croix qu'il faut faire très, très attention de ne pas se positionner de façon trop sexiste. Après tout, je suis là parce que je représente une zone et que je veux travailler pour le Rotary.

Comment envisagez-vous votre rôle en tant que première administratrice du Rotary ?

Lorsque j'ai été nominée, des femmes Rotariennes m'ont envoyé des e-mails en disant : « On va faire une action de femmes ». Et je me suis dit : « Non ! On fait une action de Rotariens ». Que l'on soit femme ou homme ne change rien. Je suis une professionnelle qui veut mettre son temps au service d'autrui. Je ne suis pas une « femme » au Rotary.

Quels seront vos objectifs ?

Mon but est de faire une certaine promotion de ce qu'est le Rotary, de ce qu'on peut faire pour les autres humains, de donner aux autres. La pauvreté, la misère, cela existera toujours mais on peut y remédier partiellement. Cette misère peut être intellectuelle ou matérielle et je la côtoie dans ma profession. L'alphabétisation des femmes est une de mes priorités majeures. Quand les femmes seront alphabétisées, elles pourront contrôler les naissances et alors leur vie entière changera. Et tout passera par les femmes. C'est déjà ce qui s'est passé dans nos pays.

Quelle est votre stratégie pour atteindre ces objectifs ?

Il faut avoir une petite stratégie, une vision de ce qu'on veut faire. Paradoxalement peut-être, les Rotariens ont oublié ce qu'est le Rotary. En Europe, c'est un vrai problème. On va au Rotary comme on irait jouer à la pétanque ou aux boules. De plus, beaucoup ont du mal à comprendre. La Fondation qui a des programmes extra qu'on peut utiliser pour faire un tas de choses. Au lieu de saupoudrer à divers endroits, on peut faire une grande action comme PolioPlus.

Bien sûr, on a des partenaires, mais les Rotariens doivent comprendre qu'en 1985, il y avait mille cas nouveaux de Polio par jour et qu'actuellement il n'y en a seulement 2 000 par an. Mon frère a eu la polio, donc je suis un peu concernée par cette maladie. Il faut en finir avec la polio même si les gens disent en avoir marre. On peut leur dire peut-être qu'on peut envisager un autre programme, mais on doit d'abord impérativement gagner le combat contre la polio.

L'attention qu'on vous porte vous gêne-t-elle ?

Oui, c'est un petit peu inconfortable.

Je voudrais plus qu'on parle du Rotary français, de la zone 11 plutôt que du fait qu'il y a une femme au conseil d'administration. Ce n'est pas facile en ce moment. Le hasard a voulu que je sois une femme. Je n'ai pas plus de compétences mais je n'en ai pas moins non plus. Je suis fière de représenter les femmes mais je ne souhaite pas me mettre trop en avant. Ce n'était pas mon ambition de devenir administratrice mais c'était l'opportunité d'y aller. Ça se voit partout en France. Il y a Ségolène Royal [qui a obtenu 46,9 % des voix aux dernières élections présidentielles], ce n'est pas sans raison. Mais il est certain que j'ai un rôle de promotion des femmes. Il faut que je l'accepte. On ne peut pas être trop dans la discrétion.

Quels arguments avez-vous présentés à la commission de nomination de votre zone ?

Ma motivation était de défendre les fondamentaux du Rotary ; cela me parait une chose importante et nécessaire : l'entente entre les peuples et l'éthique, en particulier, parce que je considère que quand on est Rotarien, on est surtout un professionnel qui respecte une éthique et utilise ses compétences pour aider autrui. Mon autre motivation était de défendre la francophonie, de défendre la langue française. C'est bien de parler l'anglais, mais de temps en temps, il faut aussi être fier de ne pas parler l'anglais.

Comment avez-vous convaincu la commission de nomination de vous choisir ?

[rires] Alors là, je ne sais pas. Bon, j'ai beaucoup d'amis au Rotary et je donne beaucoup au Rotary. En tant que gouverneur, j'ai beaucoup été dans les différents districts ; les gouverneurs et les grands électeurs me connaissaient partout. J'ai également représenté le président international trois fois, j'ai été training leader et j'ai donc formé beaucoup de leaders. Cela m'a permis de rencontrer énormément de gens et de connaitre beaucoup de monde qui ont parlé de moi. Quand on est une femme, on se distingue plus dans la masse que les autres. Alors, même si on n'est pas forcement plus brillant, on se fait remarquer

Être une femme peut être à la fois un atout et une difficulté. Il y en a qui à la suite de l'élection ont dit : « Ah, pour se faire élire, on doit porter une jupe maintenant. ». Ce n'est pas très gentil [rires] mais c'est toujours comme ça, on fait des remarques.

Pouvez-vous nous parler du rôle que le Rotary joue dans votre vie ?

J'ai une position un peu particulière dans le club. J'y suis depuis que je suis née. Mon grand-père et mon père ont été membres du Rotary club de Paris. Mon père a passé 52 ans au club de Paris. Ce qui a été chouette, c'est que mon père, dès que j'ai eu 14 ou 15 ans, nous a emmenés aux fêtes du Rotary. Je dis toujours que j'étais à la convention de Paris en 1953 et que je tenais la main de mon papa. J'ai dit à mon club : « Vous voyez, le Rotary, ça commence tôt. »

Veuillez nous parler de votre carrière au Rotary.

Mon mari est membre du club de L'Isle Adam-Beaumont-sur-Oise. [En 1990/1991], le gouverneur, François Duviard-Marsan, a fait une visite au club de mon mari et leur a dit : « On monte des clubs mixtes. On a besoin de femmes qui ont envie de s'engager. » Le président de ce club, qui est toujours un de mes amis, a alors dit : « J'en connais une qui serait formidable. D'abord elle connait le Rotary, elle est née dedans. » Je suis ainsi devenue membre fondateur du club de Paris-La Défense-Grande Arche en 1991.

Quel est le statut des femmes dans votre club actuel, le Rotary club de Paris ?

Dans mon club, on est 252 membres et 17 femmes. Ça veut tout dire.

Pensez-vous que le Rotary a été plus lent que la société à accepter les femmes à des postes de leadership ?

Le chauvinisme n'a pas disparu. Nous sommes encore dans un milieu d'hommes. C'est partout dans la société, dans mon métier. Quand j'ai été étudiante en médicine, c'était déjà comme ça. Je me souviens de vacheries dans ma profession parce que j'ai été une femme. On a tout fait pour me décourager. Cela faisait partie du jeu, pas seulement en médicine mais dans d'autres professions. C'est pourquoi j'aimerais qu'on défende une certaine éthique. Les Rotary clubs sont des bastions d'élite. Le problème du Rotary en France est que la moyenne d'âge est assez élevée. Cela ne sera plus vrai dans 15 ans car les jeunes qui arrivent auront côtoyé des femmes dans leur études et auront été habitués à voir des femmes qui bossent, qui sont fortes, à leurs côtés.

Donc, le chauvinisme à l'égard des femmes règne toujours au Rotary ?

À la convention de Nice, j'avais un petit ruban blanc de futur président et on m'arrêtait pour me demander : « Ah bon, au Rotary, il y a des femmes ? Et en plus, elles peuvent être présidentes ? » Pour eux, c'était révolutionnaire. L'attitude change parce que la société change. Mon père a 90 ans. Il était entrepreneur en maçonnerie et il n'y avait pas de femmes à l'époque. Je voulais faire de l'architecture, mais il m'a dit : « Mais certainement pas ! Une femme architecte ? » Mon père était contre l'entrée des femmes au Rotary [rires]. Il était encore là quand je suis rentrée à Paris. Il n'a pas voté contre moi, non. Un de mes parrains avait été contre les femmes au Rotary. Il me connait depuis que j'ai 4-5 ans. Alors, c'est amusant de se retrouver avec ces gens-là. Mes parents sont très fiers. Le 7 février, ils étaient à la réception organisée par mon club pour fêter ma nomination.

Pouvez-vous nous décrire votre vie professionnelle et son rapport avec le Rotary ?

Je suis gynécologue en activité libérale et j'ai un cabinet. Je suis entrée au Rotary pour rencontrer des professionnels d'univers autres que le mien. Quand on est médecin, on ne peut pas parler de ses propres problèmes avec ses patients ou ses subalternes. J'ai résolu cela en entrant au Rotary. La grande richesse du Rotary est de côtoyer des professionnels d'univers complètement différents. On se rend compte tout d'un coup qu'on a des problèmes similaires. C'est une grande force du Rotary à mon avis.

Quelle a été la réaction de votre mari à votre nomination ?

Mon mari est membre du club L'Isle Adam qui compte 25 membres. Ce n'est pas du tout le même recrutement, et puis, ils ne veulent pas de femmes. Cela n'a pas été facile pour son club d'accepter que je devienne Rotarienne et que je monte dans la hiérarchie. Maintenant, ils ont accepté. C'est un peu compliqué. Il faut accepter les choses. Cela va évoluer. C'est en train d'évoluer. Dans les petits clubs non mixtes, les femmes des Rotariens s'engagent beaucoup et donc se méfient quand il y a tout d'un coup une Rotarienne. Elles se sentent moins valables. Cela change complètement avec leurs filles.

Qu'allez-vous faire une fois que vous aurez raccroché ?

Maintenait je vais aller dîner. Mon mari n'est pas là parce qu'il reçoit l'EGE qu'on a fait avec le Gabon et nous logeons le team leader à la maison. Donc, je ne peux pas sortir.

Envisagez-vous de devenir un jour présidente du Rotary International ?

Pas du tout, mais bon, d'un autre côté, je n'ai jamais envisagé d'aller au « board », donc je n'en sais rien.

Bettina Kozlowski, ancienne rédactrice du R.I., a réalisé cet entretien.