Chers amis,
Lorsque je suis née, les peuples vivant sur notre continent européen étaient encore dans un circuit mortifère qui durait depuis au moins 60 ans… Les guerres qui ont sévi sur notre continent (et j’en ai compté près de 15 entre 1911 et 1945) qu’elles soient civiles ou inter-étatiques, ces guerres faisaient rage
- et étaient à l’origine non seulement de plusieurs dizaines de millions de morts, militaires ou civils,
- détruisaient non seulement notre magnifique patrimoine culturel
- mais aussi et surtout notre honneur,
car nous avions découvert de quoi l’homme était capable, lorsqu’envahi par ces horreurs, par la haine et par le mépris de l’autre, fondé sur une méconnaissance réciproque, il n’arrivait plus à ce que vive en son cœur cet appel, que tout être humain ressent, et qui a le beau nom de fraternité de liberté et de solidarité signe de notre humanité !
Et vous chers amis, qui avaient concourru à ce Challenge et qui venez de parcourir notre Europe pour y découvrir les trésors qu’elle recèle au plus profond de ses régions, vous chers amis, lorsque vous êtes nés, il y a près de 20 ans, le continent que vos grands parents et parents vous ont transmis était totalement différent de celui dont j’ai hérité avec vos parents, cette Europe que vous venez de découvrir !
Ce continent était et est aujourd’hui tout autre : on n’entendait plus de bruits de bottes, de menaces, d’exterminations,… de sirènes, de bombardements… mais au contraire nous apprenons tous les jours qu’il y avait et qu’il y a des sommets, des G8, G20, des Conseil qui se réunissent, des débats qui se déroulent dans différentes enceintes ou régions de notre Europe… des Traités qui se signent entre les Etats membres et les peuples…
Des Sommets, des Conseils, des Traités… mais pour quoi faire ?
Tout simplement pour réussir à trouver les mots pour dire, et les structures et outils pour donner une forme concrète à cette volonté
- trouver les mots pour dire les objectifs nouveaux qu’il nous fallait bien redéfinir après avoir tourné la page de la première moitié du siècle dernier, objectifs visant à bâtir ensemble cet avenir commun de paix et de prospérité dont nous nous étions écarté depuis tant d’années « Nous n’avions pas fait ce pas et nous avions eu la guerre » disait Robert Shuman le 9 Mai 1950.
- Mais aussi les structures et les outils permettant que ces objectifs n’en restent pas seulement à l’expression de bonnes intentions, ne se cantonnent pas dans des discours, mais deviennent réalité pour tous Etats et peuples.
Il s’est agi alors
- depuis 1948, 1950 où nous avons définis notre objectif qui était de réussir à vivre ensemble en paix sur ce beau continent dans le respect mutuel de tous, personnes et Etats,
- jusqu’à maintenant en 2012, de chercher ensemble le meilleur chemin qui soit pour réussir à vivre ensemble,
certes dans le débat des cultures et dans la confrontation des idées, mais aussi avec, chevillées au cœur,
- cette conviction qu’on ne pourra vivre ensemble que si chacun se sait et se sente respecté dans sa dignité, dans sa différence
- et cette volonté pour y arriver que tous et tous les territoires développent les conditions les meilleures pour pouvoir vivre dignement, même si différemment !
Voilà le pas qui a été franchi depuis 60 ans maintenant et avouez qu’en comparent cette nouvelle soixantaine qui s’achève, à celle qui la précédait on ne peut que constater que même si elle est loin d’avoir été parfaite, elle a été moins douloureuse pour tous et plus constructive, grâce au pas extraordinaire que quelques hommes : une poignée d’hommes, Schuman, Monnet, Adenauer, de Gasperi, Paul Henri Spaak… et quelques autres !
Ces hommes avaient pour objectif la paix… Cette quête n’était pas nouvelle : vous avez tous en tête le discours de Victor Hugo à L’Assemblée nationale appelant de ses vœux les Etats Unis d’Europe, mais aussi tant d’autres appels tels que celui de Churchill en 1946 mais avant de Briand, deCoudenhov-Kalergi et de bien d’autres…
Ce qu’on réussi à faire ces hommes, c’est de se débarraser des idéologies qui faisaient fureur à l’époque, pour trouver des moyens concrets pour vivre ensemble
et l’idée géniale a été double
- tout d’abord travailler ensemble sans exclusion : vainqueurs et vaincus, petits et grands, riches et pauvres, catholiques et protestants…
- mais aussi de faire ensemble quelque chose d’indispensable pour la survie non pas d’un pays mais du continent qui commençait à se rassembler à l’ouest du rideau de fer…
Ils ont ainsi décidé
- de produire ensemble le charbon et l’acier, matérieux nécessaires pour la reconstruction de notre continent dévasté. Cela a signifié en clair que le Luxembourg, l’Allemagne, la France se dépossédaient de leurs industries nationales, pour la remettre aux mains d’une entité supra nationale chargée de gérer ces production,
- et pour que cette idée neuve fonctionne de façon démocratique, ces hommes ont aussitôt pensé à l’entourer d’organes représentant le législatif, l’exécutif et la justice… le parlement, la CECA supervisé par le Conseil et la Cour de justice pour vérifier que tout se fasse selon ls décisions prises.
Voilà ce qui s’est passé… Et depuis avec ces organes démocratiques qui ont évolué dans leur forme comme dans leur contenu notre génération a réussi non seulement à produire ensemble ce charbon et cet acier dans un premier temps, mais aussi à créé un marché unique, une politique agricole commune pour réussir à satisfaire notre consommation intérieure, à crer des politiques de soutien aux régions et aux personnes qui vivent des situations difficiles (les fonds de cohésion) à abolir les frontières entre nous, à aider les jeunes à mieux connaître l’ensemble du territoire européen, à nous donner une monnaie unique, l’euro… et récemment à commencer à nous donner quelques instrument pour réussir à mieux gérer notre économie et nos finances… quelques avancées se sont précisées les jours derniers…
Mais, comme vous le savez il reste beaucoup à faire, et chers amis, maintenant nous vous passons le relais… Nous avons commencé à agir… Et ce qui reste à faire, et il reste beaucoup à faire, est peut-être le plus difficile à réaliser effectivement. Il s’agit maintenant d’aider nos concitoyens européens à prendre en charge ce beau projet que nous avons réussi à mener au stade où on ne se fait plus la guerre et où on a découvert l’importance de la négociation… Nous avons fait avancer nos structures… construit des politiques, appelé à faire converger nos politiques…
Vous devez, maintenant, aller plus loin… vous devez réussir à faire que désormais nos concitoyens, de votre âge et du nôtre, comprennent que nous ne réussirons à avancer que si chaque citoyen prend la chose en main, si cela l’intéresse pour lui-même et pour ceux qu’il aime, s’il y est attaché intellectuellement, économiquement, culturellement mais aussi affectivement, si cette perspective le rend heureux.
La tâche que nous vous laissons, celle de donner à nos concitoyens envie de continuer ce beau projet et c’est cela cependant que nous vous demandons de faire, cette tâche va demander beaucoup d’investissement de votre part !
Nous avons préparé le terrain : voyages, plus de frontière, même monnaie, apprentissage des langues… convergence des diplômes…
A vous maintenant d’aller plus loin plus en profondeur pour que cette Union européenne redevienne une Communauté d’Etats, et d’hommes et de femmes … comme le voulaient ses fondateurs !
Voyagez , osez aller de l’avant… sans idéologie mais seulement avec pour fil rouge
- le respect de chacun, de ses spécificités, de ses convictions, c’est de ce que j’appelle la liberté
- la découverte de l’autre non pas comme un concurrent, un ennemi, mais comme un frère, c’est ce que j’appelle la fraternité
- mais avec la conviction que rien ne pourra continuer de se faire si nous n’entrons pas dans une démarche de solidarité pour que tous arrivent à vivre dignement !
Jeanne Françoise HUTIN
Présidente de la Maison de l’Europe de Rennes et Haute Bretagne |